3 déc. 2010

Liste des propositions du rapport « Bien-être et efficacité au travail »

1. L’implication de la direction générale et de son conseil d’administration est indispensable.
L’évaluation de la performance doit intégrer le facteur humain, et donc la santé des salariés.

2. La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne s’externalise pas.
Les managers de proximité sont les premiers acteurs de santé.

3. Donner aux salariés les moyens de se réaliser dans le travail.
Restaurer des espaces de discussion et d’autonomie dans le travail.

4. Impliquer les partenaires sociaux dans la construction des conditions de santé.
Le dialogue social, dans l’entreprise et en dehors, est une priorité.

5. La mesure induit les comportements.
Mesurer les conditions de santé et sécurité au travail est une condition du développement du bien-être en entreprise.

6. Préparer et former les managers au rôle de manager.
Affirmer et concrétiser la responsabilité du manager vis-à-vis des équipes et des hommes.

7. Ne pas réduire le collectif de travail à une addition d’individus.
Valoriser la performance collective pour rendre les organisations de travail plus motivantes et plus efficientes.

8. Anticiper et prendre en compte l’impact humain des changements.
Tout projet de réorganisation ou de restructuration doit mesurer l’impact et la faisabilité humaine du changement.

9. La santé au travail ne se limite pas aux frontières de l’entreprise.
L’entreprise a un impact humain sur son environnement, en particulier sur ses fournisseurs.

10. Ne pas laisser le salarié seul face à ses problèmes.
Accompagner les salariés en difficulté.

Source: Rapport d'information de M. Gérard DÉRIOT, fait au nom de la Mission d'information sur le mal-être au travail et de la commission des affaires sociales, n° 642 tome I (2009-2010) - 7 juillet 2010

LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX AU TRAVAIL : les indicateurs disponibles

Pour dresser un premier état des lieux des risques psychosociaux au travail en France, le collège d’expertise sur le suivi statistique de ces risques mis en place en 2008 à la suite du rapport « Nasse-Légeron » a élaboré une batterie provisoire d’une quarantaine d’indicateurs immédiatement disponibles dans les sources statistiques existantes. Les risques psychosociaux sont analysés selon six dimensions: les exigences du travail, les exigences émotionnelles, l’autonomie et les marges de manoeuvre, les rapports sociaux et relations de travail, les conflits de valeur, l’insécurité socio-économique.

Les professions les plus qualifiées apparaissent, au regard des divers indicateurs disponibles, confrontées à des exigences psychosociales au travail relativement élevées, ainsi qu’à des conflits de valeur plus fréquents, mais sont moins exposées au manque de marges de manoeuvre, de soutien social ou de sécurité économique que les professions peu qualifiées.

Les salariés qui travaillent en contact avec le public subissent plus souvent que les autres des contraintes émotionnelles importantes. Les femmes sont plus exposées que les hommes au manque de marges de manoeuvre, de soutien social et de reconnaissance au travail.

À la suite du rapport « Nasse-Légeron » sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail [1], un collège d’expertise sur le suivi statistique de ces risques a reçu pour mission de formuler des propositions en vue d’un suivi statistique des risques psychosociaux au travail. Ce collège, réuni par l’Insee, a sélectionné une batterie provisoire d’indicateurs reflétant les différentes dimensions de ces risques, et disponibles dans les enquêtes statistiques existantes [2]. Même s’il n’y a pas de définition universellement reçue des risques psychosociaux, il est généralement admis qu’il s’agit de « risques pour la santé, mentale mais aussi physique, créés au moins en partie par le travail à travers des mécanismes sociaux et psychiques » [3]. La littérature scientifique en épidémiologie a souligné les effets importants de ces facteurs de risques sur les maladies cardio-vasculaires, les problèmes de santé mentale et les troubles musculo-squelettiques.

Les études ont montré un accroissement du risque de ces pathologies pouvant atteindre 50 à 100 % en cas d’exposition aux facteurs psychosociaux au travail [2].
Pour tenir compte des avancées récentes de la recherche au plan international dans ce domaine, le collège d’expertise a retenu une catégorisation des risques psychosociaux en six dimensions : les exigences du travail, les exigences émotionnelles, l’autonomie et les marges de manoeuvre, les rapports sociaux et relations de travail, les conflits de valeur, l’insécurité socio-économique. La mobilisation des différentes enquêtes sur le travail menées par la Dares et la Drees depuis 2003 permet de brosser un premier tableau d’ensemble de ces risques.

Risques psychosociaux : les professions plus qualifiées soumises à des exigences élevées et des conflits de valeur plus fréquents

« Les professions les plus qualifiées apparaissent confrontées à des exigences psychosociales au travail relativement élevées, ainsi qu'à des conflits de valeur plus fréquents, mais sont moins exposées au manque de marges de manœuvre, de soutien social ou de sécurité économique que les professions peu qualifiées. » C'est l'une des conclusions tirées par la Dares et la Dress, dans une étude intitulée : « Les risques psychosociaux au travail : les indicateurs disponibles », publiée mercredi 1er décembre 2010. L'étude s'appuie sur les enquêtes sur le travail menées depuis 2003. Autre conclusion de cet état des lieux des risques psychosociaux au travail en France : « les salariés qui travaillent en contact avec le public subissent plus souvent que les autres des contraintes émotionnelles importantes ». Le contact se déroulant plus de huit fois sur dix « en direct », il n'est pourtant pas nécessairement source de risque psychosocial, et constitue même souvent un aspect plaisant du travail.


L'étude permettra de nourrir les travaux du collège d'expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux, créé en 2008 à la suite du rapport « Nasse-Légeron ». Celui-ci a élaboré une batterie provisoire d'une quarantaine d'indicateurs immédiatement disponibles dans les sources statistiques existantes. Pour tenir compte des avancées récentes de la recherche au plan international dans ce domaine, le collège d'expertise a retenu en octobre 2009 une catégorisation des risques psychosociaux en six dimensions : les exigences du travail, les exigences émotionnelles, l'autonomie et les marges de manœuvre, les rapports sociaux et relations de travail, les conflits de valeur, l'insécurité socio-économique. (AEF n°121810). 

EXIGENCES DU TRAVAIL. Concernant la quantité de travail, la pression temporelle au travail, la complexité du travail et les difficultés de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, différents constats sont posés par l'enquête SIP (Santé et itinéraires professionnels) 2007 de la Dares et de la Dress. Celle-ci montre tout d'abord que près du quart (23 %) des actifs occupés estiment qu'on leur demande « toujours » ou « souvent » une quantité de travail excessive. Peu de différences sont observées selon le sexe ou l'âge. En revanche, les cadres et professions intermédiaires semblent plus touchés. En outre, selon l'enquête sur les conditions de travail de 2005, la moitié (49 %) des actifs occupés estiment qu'ils doivent « toujours » ou « souvent » se dépêcher dans leur travail et 23 % qu'ils doivent « fréquemment interrompre une tâche pour une autre non prévue » et que c'est « un aspect négatif de [leur] travail ».

Le cumul de contraintes de rythme de travail, qui reflète la pression de l'organisation du travail, concerne plutôt les professions ouvrières. En effet, 48 % des ouvriers, disent que leur rythme de travail est déterminé par au moins trois contraintes (déplacement automatique d'un produit ou d'une pièce, la cadence automatique d'une machine, etc.). Enfin, les problèmes de conciliation entre travail et hors-travail touchent 11 % des actifs occupés qui disent avoir « toujours » ou « souvent » des « difficultés à concilier travail et obligations familiales ». De façon apparemment paradoxale, les femmes ne sont pas sensiblement plus nombreuses que les hommes à exprimer cette opinion, en partie parce que leur durée du travail est en moyenne moins élevée. en revanche les non-salariés et les cadres dont la durée du travail est particulièrement longue en moyenne, ainsi que, dans une moindre mesure, les professions intermédiaires, l'expriment nettement plus souvent que les employés ou les ouvriers.

EXIGENCES ÉMOTIONNELLES. Concernant les salariés en contact avec le public, on remarque que 7 % des actifs occupés disent être exposés « toujours » ou « souvent » à des « agressions verbales, des injures, des menaces », et 2 % à des agressions physiques. Ils sont nettement plus nombreux (respectivement 31 % et 11 %) à dire y être exposés « parfois ». Les femmes sont plus exposées que les hommes à ces tensions du fait qu'elles sont plus présentes chez les employés et les professions intermédiaires, ainsi que dans des secteurs où l'activité se déroule en général au contact du public, comme l'éducation, la santé ou l'action sociale. Autre aspect des exigences émotionnelles, le fait de devoir cacher ses émotions. Ainsi, 42 % des actifs occupés interrogés dans l'enquête SIP 2007 déclarent devoir « toujours » ou « souvent » « cacher leurs émotions ou faire semblant d'être de bonne humeur ». Cette contrainte est très présente au contact du public. Enfin, selon l'enquête SIP 2007, 8 % des actifs occupés déclarent qu'il leur arrive « toujours » ou « souvent » d'avoir peur pendant leur travail.

AUTONOMIE. Selon les conclusions de la Dares, la faible autonomie procédurale concerne en particulier les emplois d'exécution. Ainsi, 20 % des actifs occupés estiment avoir « souvent » ou « toujours » « très peu de liberté pour décider comment faire leur travail ». L'état des lieux révèle en outre que 24 % des actifs occupés estiment que leur travail ne leur « permet pas d'apprendre des choses nouvelles » (enquête Conditions de travail 2005), 13 % qu'ils ne peuvent « employer pleinement leurs compétences » que « parfois » ou « jamais » (enquête SIP 2007) et que 28 % jugent que leur « travail consiste à répéter continuellement une même série de gestes ou d'opérations » (enquête Conditions de travail 2005), faisant de la monotonie un enjeu important pour la santé au travail. Selon l'enquête COI (changement organisationnel et informatisation) de 2007, parmi les salariés du secteur concurrentiel qui ont connu des changements organisationnels ou technologiques importants au cours des trois dernières années et 64 % estiment ne pas avoir été consultés lors de la mise en place de ces changements. Au contraire des autres dimensions des marges de manœuvre, celle-ci ne concerne pas particulièrement les femmes ou les salariés peu qualifiés.

SOUTIEN SOCIAL ET RECONNAISSANCE AU TRAVAIL. Le travail est un lieu de socialisation très important pour beaucoup de personnes : peu de salariés (9 % dans le champ Sumer 2003) pensent que leurs collègues de travail ne sont pas « amicaux ». C'est aussi un lieu d'entraide : les salariés sont peu nombreux (14 % dans le champ Sumer 2003) à juger que leurs collègues ne les aident pas à « mener [leurs] tâches à bien ». Le soutien des supérieurs est également très présent, même si près d'un salarié sur quatre estime que son supérieur ne l'aide pas à « mener [ses] tâches à bien ». D'une façon générale, plus les salariés avancent en âge, plus ils évoquent ce manque de soutien social au travail. Un salarié sur cinq estime que son supérieur ne « prête pas attention à ce qu'il dit » ; ici encore les ouvriers le signalent nettement plus souvent que les cadres. Concernant le harcèlement moral, l'enquête Sumer 2003 a montré que 13 % des salariés (hors fonction publique non hospitalière) signalent subir un « comportement méprisant », 10 % déclarent vivre une situation de « déni de la qualité du travail » et 2 % une « atteinte dégradante ». Moins fréquent est le sentiment d'inutilité de son travail : 9 % des salariés du secteur concurrentiel répondent « non » à la question « pensez-vous que votre travail est utile aux autres ? » (enquête COI 2007).

Dernier facteur de risque lié à la dimension collective du travail, l'incertitude provoquée par le manque de clarté du management. Dans le secteur concurrentiel, un salarié sur trois, notamment parmi les moins de 40 ans et les cadres, estime que « généralement », on ne lui explique pas « clairement ce qu'il a à faire dans (son) travail » (enquête COI 2007). Toutefois, ce manque de clarté dans la définition du travail peut être aussi interprété comme un indice d'autonomie au travail, puisque les trois-quarts des salariés concernés déclarent ne pas souhaiter avoir des explications plus détaillées. Enfin, 42 % des salariés des secteurs concurrentiels et non concurrentiels disent recevoir « des ordres ou des indications contradictoires », davantage chez les moins de 40 ans et les professions intermédiaires (enquête Conditions de travail 2005).

CONFLITS DE VALEUR. Concernant les « conflits de valeur », qui renvoient à l'état de mal-être ressenti par le travailleur, certaines situations de travail donnent lieu à des « conflits éthiques » entre les exigences du travail et les valeurs personnelles ou professionnelles. 6 % des actifs occupés estiment qu'ils doivent « toujours » ou « souvent » faire dans leur travail « des choses qu'ils désapprouvent (vente abusive, réaliser des licenciements…). Cette proportion s'élève à un tiers lorsqu'on y inclut les salariés déclarant avoir « parfois » de tels conflits éthiques (enquête SIP 2007).

INSÉCURITÉ DE L'EMPLOI. Concernant la sécurité de l'emploi et du salaire, 23 % des actifs occupés déclarent travailler « toujours », « souvent » ou « parfois » « avec la peur de perdre leur emploi » (enquête SIP 2007). Les salariés de l'industrie, et particulièrement les ouvriers, sont plus concernés par ce sentiment d'insécurité, qui touche en revanche moins les secteurs de l'administration, de la santé et du social. 32 % des salariés du secteur concurrentiel estiment à la même période « devoir changer de qualification ou de métier » dans les années à venir (enquête COI 2007). Ce sentiment est particulièrement répandu chez les jeunes, ainsi que dans le secteur des banques et assurances.

Concernant enfin la « soutenabilité » du travail, 37 % des actifs occupés ne se sentaient pas « capables (en 2005) de faire le même travail qu'actuellement jusqu'à soixante ans » (enquête Conditions de travail 2005). Cet indicateur synthétise un ensemble de perceptions négatives du travail effectué qui rendent la poursuite de celui-ci jusqu'à un âge avancé peu désirable ou difficilement envisageable par les personnes concernées.


Pour plus de renseignements: http://www.aef.info/public/fr/nonabonne/accueil/accueil.php

17 nov. 2010

Marion Thienpot, responsable des formations Santé au Travail, Comundi

puce Comment sont construits les programmes de formations Comundi?

Nous réalisons en amont un travail d’enquête auprès des professionnels de la santé au travail. Médecins du travail, infirmières du travail, assistants sociaux du travail, préventeurs, RH… : nous les appelons et les rencontrons pour connaître leurs problématiques terrain.
Afin d’anticiper les sujets de demain, nous menons également une veille quotidienne de l’actualité en santé au travail et échangeons très régulièrement avec nos formateurs experts.
Grâce à cette méthodologie, nous créons chaque année des programmes de formations au plus proche de vos besoins !

puce Quels sont les profils des participants des formations Santé au Travail Comundi ?
Les premiers participants de nos formations Santé au Travail ont été les Médecins et Infirmiers du Travail, les acteurs « historiques » des services de médecine du travail. Nos formations portaient principalement sur l’évaluation et de prévention des risques physiques.
Les préventeurs, responsables HSE, Sécurité… se sont également intéressés à ces stages, notamment de part l’obligation d’élaborer le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels.

Avec l’apparition de nouveaux enjeux tels que la pluridisciplinarité et l’émergence des risques psychosociaux, d’autres acteurs se sont mobilisés : responsables RH, assistants sociaux du travail, psychologues du travail, ergonomes, membres de CHSCT…

Aujourd’hui, les dirigeants et managers s’impliquent également dans la santé au travail : nouvelles responsabilités et obligations, prise de conscience de l’importance de la santé des salariés pour la performance de l’entreprise, image interne et externe de l’entreprise… Le contexte actuel les pousse à s’emparer de ces sujets et à faire évoluer les organisations de travail.

Concernant la provenance de nos participants : petites, moyennes et grandes entreprises, secteurs privé, public, associatif, médico-social, de France métropolitaine, des Dom-Tom, de Belgique… et même prochainement du Congo, nos stagiaires viennent de milieux très variés, ce qui contribue à la richesse des échanges lors des formations !

puce Pouvez-vous nous parler du congrès annuel « La Semaine de la Santé au Travail » ?

Depuis 2004, chaque année Comundi organise « La Semaine de la Santé au Travail » : un congrès qui rassemble sur une semaine nos formations Santé au Travail et des séminaires d’actualité.

Ces séminaires sont l’occasion d’aborder les sujets d’actualité et les problématiques à venir, ceci à travers des retours d’expérience d’opérationnels et le regard d’experts. Voici quelques thématiques que nous avons traitées depuis 2004 : risque alcool, nutrition au travail, stress, maintien dans l’emploi…Cette année nos séminaires seront consacrés à l’usure professionnelle et à la prévention primaire des risques psychosociaux : des sujets à traiter aujourd’hui pour anticiper les problèmes de demain !

Suicide et activité professionnelle en France : premières exploitations de données disponibles

Introduction

Les liens entre les contraintes de travail et la santé ont été établis ces deux dernières décennies par les scientifiques au niveau international [Karasek, 1990 ; Siegrist, 2008 ; Netterstrom, 2008].
En France, plusieurs indicateurs de climat délétère dans les entreprises ou les secteurs d’activité ont été produits ces dernières années : il s’agit d’indicateurs permettant de quantifier principalement les déséquilibres effort/récompense, la tension au travail ("job strain") [Niedhammer, 2008a] et l’exposition aux violences physiques ou psychologiques [Niedhammer, 2006]. Leurs liens avec la santé cardiovasculaire [Kasl, 1996] et la santé mentale des travailleurs sont établis [Paterniti, 2002 ; Niedhammer, 2008b ; Cohidon, 2009] ; certaines conséquences sur les troubles musculo-squelettiques ont également été décrites [Deeney, 2009]. La survenue de suicides en lien avec le travail constitue quant
à elle un indicateur d’alerte majeure. Sa quantification, bien que ne pouvant être considérée comme suffisante à la connaissance de la dégradation des conditions de travail devrait être intégrée au corpus de connaissances sur les risques professionnels.
Très peu de données épidémiologiques permettent actuellement de documenter le lien entre les actes suicidaires et le travail.
Aucun des différents systèmes statistiques existants, que ce soient les données sur les accidents du travail des régimes d’assurance sociale, l’enregistrement des certificats de décès par le service CépiDc (Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès) de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) ou la compilation des enquêtes de l’Inspection du travail, ne permet même de chiffrer avec un minimum de précision le nombre de suicides survenant sur le lieu de travail. Comme pour toute pathologie d’origine multifactorielle, l’estimation du nombre de décès par suicide directement lié à l’activité professionnelle est complexe et doit faire appel à des systèmes de surveillance spécifiques.
Le Département santé travail de l’Institut de veille sanitaire ne dispose pas à l’heure actuelle de données permettant d’établir un lien direct entre le suicide et le travail. Plusieurs programmes de surveillance permettent néanmoins de fournir des éléments de connaissance, en particulier le programme Samotrace [Cohidon, 2006] qui décrit les liens entre activité professionnelle et santé mentale. Ce dernier explore notamment le risque suicidaire en milieu de travail, à travers un diagnostic effectué à l’aide du questionnaire Mini [Lecrubier, 1997] passé par des médecins du travail sur un échantillon de salariés. Par ailleurs, une analyse systématique des causes de décès selon l’emploi (catégorie professionnelle et secteur d’activité) auquel les salariés ont été affectés a été mise en place ces dernières années : le projet Cosmop [Geoffroy-Perez, 2006]. Grâce à la constitution de bases de données spécifiques pour ce programme, il a été possible de réaliser une analyse descriptive de l’évolution des suicides entre 1976 et 2002, chez les hommes actifs, selon les principaux types d’activité professionnelle. Cette première approche, qui permet d’avoir un reflet macroscopique de la situation suicidaire en milieu de travail, ne permet en aucun cas d’en analyser les causes.
Elle ne permet pas non plus de repérer des situations particulièrement aigües dans certains secteurs. Poursuivie régulièrement, ce type d’étude contribue néanmoins au socle de connaissances sur les causes de décès parmi les actifs en France.
La présente analyse consiste donc à décrire la mortalité par suicide et son évolution au cours du temps dans la population des hommes salariés selon les secteurs d’activité auxquels ils appartiennent. Une comparaison à l’évolution temporelle de la mortalité par suicide dans l’ensemble de la population en âge d’activité a également été réalisée.


* Cohidon C, Geoffroy-Perez B, Fouquet A, Le Naour C, Goldberg M, Imbernon E. Suicide et activité professionnelle en France :

premières exploitations de données disponibles. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire, avril 2010. 8 p. Disponible sur :
www.invs.sante.fr

10 oct. 2010

Etude nationale IME sur le stress au travail

Selon l’étude nationale1 menée par l’IME[1] auprès de plus de 3 000 personnes en France, une large majorité des salariés se disent tellement stressés par leur travail que cela les rend dépressifs, insomniaques ou souffrant. Ils reconnaissent subir des problèmes organisationnels rendant difficile l’accomplissement de leurs missions.
Ce stress aux effets pathologiques, indicateur de Risques Psychosociaux (RPS), est fortement lié en partie l’inadaptation du poste au fonctionnement humain.

Dans la lignée des démarches institutionnelles concrétisées notamment par les rapports Nasse-Légeron[2], Gollac[3] et Lachmann[4], l’IME a participé au développement de la connaissance scientifique interdisciplinaire sur la question du stress au travail et à une démarche nationale de prévention / gestion du stress et des Risques Psychosociaux. L’étude vise à comprendre les interactions des dimensions individuelles, managériales et organisationnelles en jeu, afin de contribuer à définir des plans d’action efficaces et ciblés, tant aux niveaux sociétal et institutionnel qu’au niveau des organisations ellesmêmes.

Plus de la moitié des personnes interrogées disent qu’elles sont stressées au travail. Ce vécu de stress a été étudiée à travers quatre questions : trois qui testent la « stressabilité » (ou « stress cognitif ») et une quatrième qui teste le « stress pathologique », c’estàdire le stress qui a des conséquences sur la santé.

Sur le plan de la « stressabilité », 53 % des personnes affirment stresser facilement face à un problème8, 67 % pensent stresser davantage que leurs collègues et 52 % déclarent stresser pour un rien en se mettant toutes seules sous pression. Sur le plan du stress pathologique, 60 % des personnes interrogées disent stresser tellement au travail que cela les rend dépressives, insomniaques, souffrantes (douleurs, maladies…).

Or, cette étude révèle que ce stress dit « pathologique » est fortement lié à la « non biocompatibilité » du poste occupé, autrement dit l’inadaptation du poste au fonctionnement humain. Mais la question très importante qui se pose est autour de cette question du « poste ». Cela peut être adapté à un certain catégorie de salariés, mais surement pas aux cadre. D’ailleurs 55 % des répondants reconnaissent subir des problèmes organisationnels dus à une mauvaise circulation de l’information, un déséquilibre entre leur autonomie et leur responsabilité dans les missions confiées et un décalage entre le travail qu’ils font au quotidien et leur vrai coeur de fonction.

Le stress « pathologique » est aussi fortement lié à l’existence de rapports de force avec leurs managers et collaborateurs : une personne sur deux déclare rencontrer ce type de problèmes au travail. Enfin, l’étude confirme le rôle important du manque de reconnaissance dans la survenue du stress pathologique, mais aussi à l’inverse, du rôle préventif d’un management attentif à mobiliser les motivations profondes et durables des salariés.

D’après l’étude de l’IME, les hommes sont plus stressés au travail que les femmes sur tous les aspects du stress évalués ici et dans toutes les situations professionnelles. En fait, le stress habituellement identifié est d’abord l’anxiété (« stress de fuite ») et, dans une moindre mesure, la tendance dépressive (« stress d’inhibition ») ; alors que la combativité (induite par l’énervement et la colère, ou « stress de lutte ») souvent cataloguée de « bon stress », n’est pas inclus dans la plupart d’études.

De plus, cette combativité induite par le stress de lutte est plutôt valorisée chez les hommes, qui expriment généralement moins que les femmes leur ressenti négatif. En évaluant les différentes composantes de la stressabilité et du stress pathologique, l’étude nationale IME
Révèle un stress professionnel plus élevé chez les hommes.

D’après l’analyse réalisée par l’Institut de Médecine Environnementale, il apparaît que le plus facile mais aussi le plus efficace pour réduire le stress au travail et prévenir les Risques Psychosociaux serait de rendre les postes et le management « biocompatibles », quel que soit le mode d’organisation : pyramidal, matriciel, en réseau…
L’IME formule 5 recommandations à l’« entreprise France » et à toutes les organisations désireuses de développer la « biocompatibilité » de l’organisation et du management :
1- Établir une circulation de l’information ouverte qui permette à chacun d’obtenir ou de transmettre des informations utiles sans craindre de conséquences négatives pour lui-même (conflit d’intérêts…)
2- Donner à chacun toute l’autonomie nécessaire pour exercer pleinement ses différentes responsabilités
3- Se concentrer sur les tâches relevant de son cœur de fonction et apprendre à mieux déléguer le reste
-4 Former les managers à la prévention / gestion des rapports de force en abandonnant le management par le stress et la compétition interne
Manager davantage en fonction des motivations profondes durables et des capacités d’adaptation qui diminuent la sensibilité à l’échec ou au manque de reconnaissance.


[1] Etude nationale IME sur le stress au travail, Contact : Céline Canis, Responsable Communication de l’Institut de Médecine Environnementale (IME) – celine.canis@ime.fr
[2] Philippe Nasse, magistrat honoraire et Patrick Légeron, médecin psychiatre « Détermination, mesure et suivi des risques psychosociaux au travail », 12 mars 2008, Rapport remis à Xavier Bertrand, Ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité.
[3] Michel Gollac, Membre du Centre de recherche en économie et Statistique, « L’observation statistique des risques psychosociaux au travail », 27 novembre 2009 ; (http://www.cnis.fr/agenda/DIV/DIV_0191.pdf).
[4] Henri LACHMANN, « Bien-être et efficacité au travail : 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail », 17 février 2010), à la demande du Premier Ministre par, Christian LAROSE et Muriel PENICAUD, avec le support de Marguerite MOLEUX.

29 août 2010

Des risques psychosociaux, une opportunité ?

Dans la section consacrée au management nous avons maintenu que les RPS ont des sources organisationnelles. L’examen du travail réel, des contraintes paradoxales vécues par les salariés entre performance et sécurité, performance et conditions de travail, performance et qualité, sens du travail… nous permet de remonter aux causes liées à l’organisation du travail. Cette approche permet de dépasser les explications simplistes de bien de cabinets par le seul « comportement » des salariés et la culpabilisation qui peut y être associée.

Cela permet aussi de contribuer à une politique globale de santé au travail et de prévention des risques, en proposant des actions, et en restant vigilant sur les décisions prises et la pérennité des actions. L’expression des différents points de vue peut susciter le dialogue social notamment lors des changements dans l’entreprise qui affectent nécessairement les métiers, le travail, la santé… Cela permet d’éviter les positions contradictoires où les plaintes et dénonciations des un rencontrent le déni et positions de défense des autres. Dans tels cas, le CHSCT peut être sollicité pour avis sur des plaintes en justice (en cas de harcèlement par exemple). Mais comment faut il assumer la contradiction entre devoir intervenir dans l’analyse des situations de travail et donner son avis sans toutefois s’engager dans une démarche d’accompagnement des projets de réorganisation ?

Le CHSCT manque souvent de moyens et de méthodes pour comprendre, agir et associer salariés et acteurs externes. Pourtant, de plus en plus de CHSCT s’engagent dans des démarches de prévention des RPS. Ils sont conscients qu’il s’agit là d’une question essentielle des conditions de travail aujourd’hui, qu’ils détiennent des informations pertinentes sur le vécu des salariés. Ils savent qu’ils peuvent contribuer à faire bouger des stratégies d’entreprise par la mise en application concrète des recommandations qui peuvent surgir dans les rapports des experts. Ces sont des moyens d’action non négligeables sur ce sujet et beaucoup de représentants du personnel se forment pour mieux appréhender et agir sur ces risques. Diminuer les risque est synonyme de travailler mieux. L’employeur y est nécessairement gagnant.

Il n’existe aucune réglementation spécifique à la prévention du stress au travail.
Cependant, l’article L 4121-1 du code du travail stipule que l’employeur doit transcrire et mettre à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise. L’obligation générale d’évaluation et de prévention des risques porte aussi sur la « santé mentale » ; ces risques doivent donc bien être insérés dans l’évaluation des risques et consignés dans le Document Unique.

L’évolution actuelle de la jurisprudence sur la responsabilité de l’employeur confirme « l’obligation de résultat » (Cass.soc., 5 mars 2008) et non plus la seule obligation de moyens. Cela signifie que la responsabilité est engagée dès lors que le résultat n’est pas atteint. Des réglementations particulières visent la prévention de risques qui peuvent constituer des sources de stress (bruit Art. R4213-5, travail sur écran Art. R 4223-8, travail de nuit ou travail posté).

Il existe également des textes spécifiques sur le harcèlement moral. L’article L. 1152-1 et la jurisprudence confirme des sanctions pénales possibles. Chapitre II sur harcèlement moral stipule notamment :
Article L1152-1 : Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Article L1152-2 : Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Article L1152-3 : Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Article L1152-4 : L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Article L1152-5 : Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire.
Article L1152-6 : Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause. Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les parties. Le médiateur s'informe de l'état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu'il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement. Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime.

Le stress n’est pas une maladie professionnelle mais des pathologies de salariés (psychiques ou non) en lien avec les facteurs de risques psychosociaux peuvent être reconnues par la Sécurité Sociale et elles impliquent alors la responsabilité de l’employeur.

Le rapport Nasse-Légeron remis au Ministre du Travail en mars 2008 propose 9 mesures pour renforcer la connaissance et l’action publique sur les RPS. Il recommande la mise en place d’un indicateur national, des actions de prévention, l’implication des services de l’État et le développement d’actions de formation des divers acteurs d’entreprises, notamment les CHSCT.

L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail signé le 2 juillet 2008 par tous les syndicats patronaux et de salariés a transposé dans le droit français l’accord cadre européen sur le stress au travail du 8 octobre 2004. Cet accord national met en avant la nécessité d’agir sur les causes dans l’organisation du travail, propose des indicateurs de situations à risques et suggère des pistes de prévention. Il reste un cadre de référence, sans déclinaison obligatoire dans les branches professionnelles. Mais il peut servir d’appui et de référence pour la négociation et l’action en entreprise. Pour plus d'information sur ce sujet voir le blog de Christine FOURAGE.