3 déc. 2010

Liste des propositions du rapport « Bien-être et efficacité au travail »

1. L’implication de la direction générale et de son conseil d’administration est indispensable.
L’évaluation de la performance doit intégrer le facteur humain, et donc la santé des salariés.

2. La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne s’externalise pas.
Les managers de proximité sont les premiers acteurs de santé.

3. Donner aux salariés les moyens de se réaliser dans le travail.
Restaurer des espaces de discussion et d’autonomie dans le travail.

4. Impliquer les partenaires sociaux dans la construction des conditions de santé.
Le dialogue social, dans l’entreprise et en dehors, est une priorité.

5. La mesure induit les comportements.
Mesurer les conditions de santé et sécurité au travail est une condition du développement du bien-être en entreprise.

6. Préparer et former les managers au rôle de manager.
Affirmer et concrétiser la responsabilité du manager vis-à-vis des équipes et des hommes.

7. Ne pas réduire le collectif de travail à une addition d’individus.
Valoriser la performance collective pour rendre les organisations de travail plus motivantes et plus efficientes.

8. Anticiper et prendre en compte l’impact humain des changements.
Tout projet de réorganisation ou de restructuration doit mesurer l’impact et la faisabilité humaine du changement.

9. La santé au travail ne se limite pas aux frontières de l’entreprise.
L’entreprise a un impact humain sur son environnement, en particulier sur ses fournisseurs.

10. Ne pas laisser le salarié seul face à ses problèmes.
Accompagner les salariés en difficulté.

Source: Rapport d'information de M. Gérard DÉRIOT, fait au nom de la Mission d'information sur le mal-être au travail et de la commission des affaires sociales, n° 642 tome I (2009-2010) - 7 juillet 2010

LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX AU TRAVAIL : les indicateurs disponibles

Pour dresser un premier état des lieux des risques psychosociaux au travail en France, le collège d’expertise sur le suivi statistique de ces risques mis en place en 2008 à la suite du rapport « Nasse-Légeron » a élaboré une batterie provisoire d’une quarantaine d’indicateurs immédiatement disponibles dans les sources statistiques existantes. Les risques psychosociaux sont analysés selon six dimensions: les exigences du travail, les exigences émotionnelles, l’autonomie et les marges de manoeuvre, les rapports sociaux et relations de travail, les conflits de valeur, l’insécurité socio-économique.

Les professions les plus qualifiées apparaissent, au regard des divers indicateurs disponibles, confrontées à des exigences psychosociales au travail relativement élevées, ainsi qu’à des conflits de valeur plus fréquents, mais sont moins exposées au manque de marges de manoeuvre, de soutien social ou de sécurité économique que les professions peu qualifiées.

Les salariés qui travaillent en contact avec le public subissent plus souvent que les autres des contraintes émotionnelles importantes. Les femmes sont plus exposées que les hommes au manque de marges de manoeuvre, de soutien social et de reconnaissance au travail.

À la suite du rapport « Nasse-Légeron » sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail [1], un collège d’expertise sur le suivi statistique de ces risques a reçu pour mission de formuler des propositions en vue d’un suivi statistique des risques psychosociaux au travail. Ce collège, réuni par l’Insee, a sélectionné une batterie provisoire d’indicateurs reflétant les différentes dimensions de ces risques, et disponibles dans les enquêtes statistiques existantes [2]. Même s’il n’y a pas de définition universellement reçue des risques psychosociaux, il est généralement admis qu’il s’agit de « risques pour la santé, mentale mais aussi physique, créés au moins en partie par le travail à travers des mécanismes sociaux et psychiques » [3]. La littérature scientifique en épidémiologie a souligné les effets importants de ces facteurs de risques sur les maladies cardio-vasculaires, les problèmes de santé mentale et les troubles musculo-squelettiques.

Les études ont montré un accroissement du risque de ces pathologies pouvant atteindre 50 à 100 % en cas d’exposition aux facteurs psychosociaux au travail [2].
Pour tenir compte des avancées récentes de la recherche au plan international dans ce domaine, le collège d’expertise a retenu une catégorisation des risques psychosociaux en six dimensions : les exigences du travail, les exigences émotionnelles, l’autonomie et les marges de manoeuvre, les rapports sociaux et relations de travail, les conflits de valeur, l’insécurité socio-économique. La mobilisation des différentes enquêtes sur le travail menées par la Dares et la Drees depuis 2003 permet de brosser un premier tableau d’ensemble de ces risques.

Risques psychosociaux : les professions plus qualifiées soumises à des exigences élevées et des conflits de valeur plus fréquents

« Les professions les plus qualifiées apparaissent confrontées à des exigences psychosociales au travail relativement élevées, ainsi qu'à des conflits de valeur plus fréquents, mais sont moins exposées au manque de marges de manœuvre, de soutien social ou de sécurité économique que les professions peu qualifiées. » C'est l'une des conclusions tirées par la Dares et la Dress, dans une étude intitulée : « Les risques psychosociaux au travail : les indicateurs disponibles », publiée mercredi 1er décembre 2010. L'étude s'appuie sur les enquêtes sur le travail menées depuis 2003. Autre conclusion de cet état des lieux des risques psychosociaux au travail en France : « les salariés qui travaillent en contact avec le public subissent plus souvent que les autres des contraintes émotionnelles importantes ». Le contact se déroulant plus de huit fois sur dix « en direct », il n'est pourtant pas nécessairement source de risque psychosocial, et constitue même souvent un aspect plaisant du travail.


L'étude permettra de nourrir les travaux du collège d'expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux, créé en 2008 à la suite du rapport « Nasse-Légeron ». Celui-ci a élaboré une batterie provisoire d'une quarantaine d'indicateurs immédiatement disponibles dans les sources statistiques existantes. Pour tenir compte des avancées récentes de la recherche au plan international dans ce domaine, le collège d'expertise a retenu en octobre 2009 une catégorisation des risques psychosociaux en six dimensions : les exigences du travail, les exigences émotionnelles, l'autonomie et les marges de manœuvre, les rapports sociaux et relations de travail, les conflits de valeur, l'insécurité socio-économique. (AEF n°121810). 

EXIGENCES DU TRAVAIL. Concernant la quantité de travail, la pression temporelle au travail, la complexité du travail et les difficultés de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, différents constats sont posés par l'enquête SIP (Santé et itinéraires professionnels) 2007 de la Dares et de la Dress. Celle-ci montre tout d'abord que près du quart (23 %) des actifs occupés estiment qu'on leur demande « toujours » ou « souvent » une quantité de travail excessive. Peu de différences sont observées selon le sexe ou l'âge. En revanche, les cadres et professions intermédiaires semblent plus touchés. En outre, selon l'enquête sur les conditions de travail de 2005, la moitié (49 %) des actifs occupés estiment qu'ils doivent « toujours » ou « souvent » se dépêcher dans leur travail et 23 % qu'ils doivent « fréquemment interrompre une tâche pour une autre non prévue » et que c'est « un aspect négatif de [leur] travail ».

Le cumul de contraintes de rythme de travail, qui reflète la pression de l'organisation du travail, concerne plutôt les professions ouvrières. En effet, 48 % des ouvriers, disent que leur rythme de travail est déterminé par au moins trois contraintes (déplacement automatique d'un produit ou d'une pièce, la cadence automatique d'une machine, etc.). Enfin, les problèmes de conciliation entre travail et hors-travail touchent 11 % des actifs occupés qui disent avoir « toujours » ou « souvent » des « difficultés à concilier travail et obligations familiales ». De façon apparemment paradoxale, les femmes ne sont pas sensiblement plus nombreuses que les hommes à exprimer cette opinion, en partie parce que leur durée du travail est en moyenne moins élevée. en revanche les non-salariés et les cadres dont la durée du travail est particulièrement longue en moyenne, ainsi que, dans une moindre mesure, les professions intermédiaires, l'expriment nettement plus souvent que les employés ou les ouvriers.

EXIGENCES ÉMOTIONNELLES. Concernant les salariés en contact avec le public, on remarque que 7 % des actifs occupés disent être exposés « toujours » ou « souvent » à des « agressions verbales, des injures, des menaces », et 2 % à des agressions physiques. Ils sont nettement plus nombreux (respectivement 31 % et 11 %) à dire y être exposés « parfois ». Les femmes sont plus exposées que les hommes à ces tensions du fait qu'elles sont plus présentes chez les employés et les professions intermédiaires, ainsi que dans des secteurs où l'activité se déroule en général au contact du public, comme l'éducation, la santé ou l'action sociale. Autre aspect des exigences émotionnelles, le fait de devoir cacher ses émotions. Ainsi, 42 % des actifs occupés interrogés dans l'enquête SIP 2007 déclarent devoir « toujours » ou « souvent » « cacher leurs émotions ou faire semblant d'être de bonne humeur ». Cette contrainte est très présente au contact du public. Enfin, selon l'enquête SIP 2007, 8 % des actifs occupés déclarent qu'il leur arrive « toujours » ou « souvent » d'avoir peur pendant leur travail.

AUTONOMIE. Selon les conclusions de la Dares, la faible autonomie procédurale concerne en particulier les emplois d'exécution. Ainsi, 20 % des actifs occupés estiment avoir « souvent » ou « toujours » « très peu de liberté pour décider comment faire leur travail ». L'état des lieux révèle en outre que 24 % des actifs occupés estiment que leur travail ne leur « permet pas d'apprendre des choses nouvelles » (enquête Conditions de travail 2005), 13 % qu'ils ne peuvent « employer pleinement leurs compétences » que « parfois » ou « jamais » (enquête SIP 2007) et que 28 % jugent que leur « travail consiste à répéter continuellement une même série de gestes ou d'opérations » (enquête Conditions de travail 2005), faisant de la monotonie un enjeu important pour la santé au travail. Selon l'enquête COI (changement organisationnel et informatisation) de 2007, parmi les salariés du secteur concurrentiel qui ont connu des changements organisationnels ou technologiques importants au cours des trois dernières années et 64 % estiment ne pas avoir été consultés lors de la mise en place de ces changements. Au contraire des autres dimensions des marges de manœuvre, celle-ci ne concerne pas particulièrement les femmes ou les salariés peu qualifiés.

SOUTIEN SOCIAL ET RECONNAISSANCE AU TRAVAIL. Le travail est un lieu de socialisation très important pour beaucoup de personnes : peu de salariés (9 % dans le champ Sumer 2003) pensent que leurs collègues de travail ne sont pas « amicaux ». C'est aussi un lieu d'entraide : les salariés sont peu nombreux (14 % dans le champ Sumer 2003) à juger que leurs collègues ne les aident pas à « mener [leurs] tâches à bien ». Le soutien des supérieurs est également très présent, même si près d'un salarié sur quatre estime que son supérieur ne l'aide pas à « mener [ses] tâches à bien ». D'une façon générale, plus les salariés avancent en âge, plus ils évoquent ce manque de soutien social au travail. Un salarié sur cinq estime que son supérieur ne « prête pas attention à ce qu'il dit » ; ici encore les ouvriers le signalent nettement plus souvent que les cadres. Concernant le harcèlement moral, l'enquête Sumer 2003 a montré que 13 % des salariés (hors fonction publique non hospitalière) signalent subir un « comportement méprisant », 10 % déclarent vivre une situation de « déni de la qualité du travail » et 2 % une « atteinte dégradante ». Moins fréquent est le sentiment d'inutilité de son travail : 9 % des salariés du secteur concurrentiel répondent « non » à la question « pensez-vous que votre travail est utile aux autres ? » (enquête COI 2007).

Dernier facteur de risque lié à la dimension collective du travail, l'incertitude provoquée par le manque de clarté du management. Dans le secteur concurrentiel, un salarié sur trois, notamment parmi les moins de 40 ans et les cadres, estime que « généralement », on ne lui explique pas « clairement ce qu'il a à faire dans (son) travail » (enquête COI 2007). Toutefois, ce manque de clarté dans la définition du travail peut être aussi interprété comme un indice d'autonomie au travail, puisque les trois-quarts des salariés concernés déclarent ne pas souhaiter avoir des explications plus détaillées. Enfin, 42 % des salariés des secteurs concurrentiels et non concurrentiels disent recevoir « des ordres ou des indications contradictoires », davantage chez les moins de 40 ans et les professions intermédiaires (enquête Conditions de travail 2005).

CONFLITS DE VALEUR. Concernant les « conflits de valeur », qui renvoient à l'état de mal-être ressenti par le travailleur, certaines situations de travail donnent lieu à des « conflits éthiques » entre les exigences du travail et les valeurs personnelles ou professionnelles. 6 % des actifs occupés estiment qu'ils doivent « toujours » ou « souvent » faire dans leur travail « des choses qu'ils désapprouvent (vente abusive, réaliser des licenciements…). Cette proportion s'élève à un tiers lorsqu'on y inclut les salariés déclarant avoir « parfois » de tels conflits éthiques (enquête SIP 2007).

INSÉCURITÉ DE L'EMPLOI. Concernant la sécurité de l'emploi et du salaire, 23 % des actifs occupés déclarent travailler « toujours », « souvent » ou « parfois » « avec la peur de perdre leur emploi » (enquête SIP 2007). Les salariés de l'industrie, et particulièrement les ouvriers, sont plus concernés par ce sentiment d'insécurité, qui touche en revanche moins les secteurs de l'administration, de la santé et du social. 32 % des salariés du secteur concurrentiel estiment à la même période « devoir changer de qualification ou de métier » dans les années à venir (enquête COI 2007). Ce sentiment est particulièrement répandu chez les jeunes, ainsi que dans le secteur des banques et assurances.

Concernant enfin la « soutenabilité » du travail, 37 % des actifs occupés ne se sentaient pas « capables (en 2005) de faire le même travail qu'actuellement jusqu'à soixante ans » (enquête Conditions de travail 2005). Cet indicateur synthétise un ensemble de perceptions négatives du travail effectué qui rendent la poursuite de celui-ci jusqu'à un âge avancé peu désirable ou difficilement envisageable par les personnes concernées.


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