29 août 2010

Des risques psychosociaux, une opportunité ?

Dans la section consacrée au management nous avons maintenu que les RPS ont des sources organisationnelles. L’examen du travail réel, des contraintes paradoxales vécues par les salariés entre performance et sécurité, performance et conditions de travail, performance et qualité, sens du travail… nous permet de remonter aux causes liées à l’organisation du travail. Cette approche permet de dépasser les explications simplistes de bien de cabinets par le seul « comportement » des salariés et la culpabilisation qui peut y être associée.

Cela permet aussi de contribuer à une politique globale de santé au travail et de prévention des risques, en proposant des actions, et en restant vigilant sur les décisions prises et la pérennité des actions. L’expression des différents points de vue peut susciter le dialogue social notamment lors des changements dans l’entreprise qui affectent nécessairement les métiers, le travail, la santé… Cela permet d’éviter les positions contradictoires où les plaintes et dénonciations des un rencontrent le déni et positions de défense des autres. Dans tels cas, le CHSCT peut être sollicité pour avis sur des plaintes en justice (en cas de harcèlement par exemple). Mais comment faut il assumer la contradiction entre devoir intervenir dans l’analyse des situations de travail et donner son avis sans toutefois s’engager dans une démarche d’accompagnement des projets de réorganisation ?

Le CHSCT manque souvent de moyens et de méthodes pour comprendre, agir et associer salariés et acteurs externes. Pourtant, de plus en plus de CHSCT s’engagent dans des démarches de prévention des RPS. Ils sont conscients qu’il s’agit là d’une question essentielle des conditions de travail aujourd’hui, qu’ils détiennent des informations pertinentes sur le vécu des salariés. Ils savent qu’ils peuvent contribuer à faire bouger des stratégies d’entreprise par la mise en application concrète des recommandations qui peuvent surgir dans les rapports des experts. Ces sont des moyens d’action non négligeables sur ce sujet et beaucoup de représentants du personnel se forment pour mieux appréhender et agir sur ces risques. Diminuer les risque est synonyme de travailler mieux. L’employeur y est nécessairement gagnant.

Il n’existe aucune réglementation spécifique à la prévention du stress au travail.
Cependant, l’article L 4121-1 du code du travail stipule que l’employeur doit transcrire et mettre à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise. L’obligation générale d’évaluation et de prévention des risques porte aussi sur la « santé mentale » ; ces risques doivent donc bien être insérés dans l’évaluation des risques et consignés dans le Document Unique.

L’évolution actuelle de la jurisprudence sur la responsabilité de l’employeur confirme « l’obligation de résultat » (Cass.soc., 5 mars 2008) et non plus la seule obligation de moyens. Cela signifie que la responsabilité est engagée dès lors que le résultat n’est pas atteint. Des réglementations particulières visent la prévention de risques qui peuvent constituer des sources de stress (bruit Art. R4213-5, travail sur écran Art. R 4223-8, travail de nuit ou travail posté).

Il existe également des textes spécifiques sur le harcèlement moral. L’article L. 1152-1 et la jurisprudence confirme des sanctions pénales possibles. Chapitre II sur harcèlement moral stipule notamment :
Article L1152-1 : Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Article L1152-2 : Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Article L1152-3 : Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Article L1152-4 : L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Article L1152-5 : Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire.
Article L1152-6 : Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause. Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les parties. Le médiateur s'informe de l'état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu'il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement. Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime.

Le stress n’est pas une maladie professionnelle mais des pathologies de salariés (psychiques ou non) en lien avec les facteurs de risques psychosociaux peuvent être reconnues par la Sécurité Sociale et elles impliquent alors la responsabilité de l’employeur.

Le rapport Nasse-Légeron remis au Ministre du Travail en mars 2008 propose 9 mesures pour renforcer la connaissance et l’action publique sur les RPS. Il recommande la mise en place d’un indicateur national, des actions de prévention, l’implication des services de l’État et le développement d’actions de formation des divers acteurs d’entreprises, notamment les CHSCT.

L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail signé le 2 juillet 2008 par tous les syndicats patronaux et de salariés a transposé dans le droit français l’accord cadre européen sur le stress au travail du 8 octobre 2004. Cet accord national met en avant la nécessité d’agir sur les causes dans l’organisation du travail, propose des indicateurs de situations à risques et suggère des pistes de prévention. Il reste un cadre de référence, sans déclinaison obligatoire dans les branches professionnelles. Mais il peut servir d’appui et de référence pour la négociation et l’action en entreprise. Pour plus d'information sur ce sujet voir le blog de Christine FOURAGE.

Le CHSCT et la Prévention des Risques Psychosociaux

Le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) est l’instance qui examine la politique de l’établissement en matière de prévention des risques professionnel et d’amélioration des conditions de travail. A ce titre ce comité est compétent pour toutes les questions qui relèvent de la santé, d’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail. Il veille à l’application des prescriptions législatives et règlementaires qui relèvent de ces domaines. Le CHSCT est également compétent en matière de souffrance au travail et de risques psychosociaux, ce qui nous intéresse en particulier.
Le CHSCT peut être saisi d’une demande d’étude par les élus du comité d’entreprise ou délégués du personnel (art. L 2323-28 code du travail[1]) sur des questions qui relèvent de ses missions. Le comité d'entreprise peut confier au CHSCT le soin de procéder à des études portant sur des matières qui relèvent de ses compétences. Celles-ci portent sur l’Hygiène et la sécurité de tous les salariés présents sur le site, y compris les travailleurs temporaires et les prestataires de service.
L’employeur est dans l’obligation de prendre tous les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de l’établissement en matière de prévention des risques professionnels et de l’information et formation (article L 4121-2 du code du travail[2]). Il s’agit d’éviter les risques, d’évaluer les risques qui ne peuvent être évités, de combattre les risques à la source et d’adapter le travail à l’homme (en ce qui concerne la conception des postes de travail, choix des équipements, méthodes de travail, etc.).
L’employeur doit tenir compte des évolutions de la technique et de remplacer ce qui est dangereux par ce qui l’est moins – y compris des techniques de management. Il doit planifier la prévention en y intégrant la technique et prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle. Enfin, l’employeur est dans l’obligation de donner des instructions appropriées aux travailleurs
Concernant les conditions de travail, la mission du CHSCT est de contribuer à leur amélioration. Il doit être associé à la recherche de solutions concernant l’organisation matérielle du travail (charge de travail, rythme, pénibilité, des tâches, élargissement et enrichissement des tâches), ainsi qu’à l’environnement physique du travail (température, éclairage, aération, bruit, poussière, vibrations…), l’aménagement des postes et des lieux de travail, la durée et les horaires de travail, et l’impact des nouvelles technologies sur les conditions de travail. Dans ce sens, le CHSCT est obligatoirement associé à la formation à la sécurité des salariés.
La CHSCT a ainsi un rôle de prévention. Il doit s’efforcer d’éliminer le risque à la source ou bien de contenir, endiguer, ou éviter la cause du risque. Pour ce faire, l’employeur doit évaluer les risques (art L 4121-2 code du travail[3]) puis de mettre en place des actions de préventions avec le CHSCT. Pour ce faire, le document unique[4] de l’évaluation et de la prévention des risques est un outil essentiel. Il contient le résultat de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Il est mis à jour chaque année et fait un bilan de la situation globale en matière d’hygiène, de sécurité et de condition de travail. Il doit mettre en lumière les actions prises dans ces domaines durant l’année. Il contribue à l’élaboration du programme de prévention annuel des risques professionnels qui fixe la liste détaillée des mesures devant être prises. La mise à jour du DUP doit être faite également lors de toute décision d’aménagement important entraînant des modifications des conditions de travail.
Le CHSCT a également pour mission d’inspecter les installations et les locaux dans le bute d’une prévention des risques. Cela doit être fait au moins tous les trimestres. A cette occasion, le CHSCT vérifie que la réglementation est bien appliquée et que les contrôles du matériel ont bien été effectués.
Pour le volet d’information et consultations, le chef d’établissement doit mettre à la disposition du CHSCT le registre des contrôles techniques et de vérifications des équipements. La consigne d’utilisation des équipements de protection individuelle, ainsi que la fiche entreprise du médecin du travail et le rapport annuel de la médecine du travail (dans les entreprises de plus de 300 salariés) doivent aussi être mis à la disposition du CHSCT qui doit être informé de tous les accidents du travail, y compris des incidents qui s’apparentent aux risques psycho-sociaux.
Le CHSCT doit obligatoirement être consulté sur le rapport annuel de l’employeur. Il s’agit ici d’un bilan des conditions de sécurité, hygiène et sécurité et des actions menées. Il est également consulté du programme annuel de prévention, qu’il contribue à élaborer, en matière de risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail. Le CHSCT donne un avis qui est transmis à l’Inspection du travail. Il peut proposer des mesures supplémentaires ou un ordre de priorité (Art L 4612-1 code du travail[5]). Il donne son avis sur le règlement intérieur et les notes de services et directives qui sont assimilées au règlement intérieur sur les questions d’hygiène et de sécurité.
Pour remplis son rôle, le CHSCT est amené à procéder à des enquêtes en cas d’accident du travail, de maladies professionnelles et en cas de danger grave et imminent et ce notamment lorsqu’un salarié fait valoir son droit de retrait[6]. Dans le cas du doit d’alerte, en cas de danger grave et imminent, par exemple signalé par un salarié exerçant ou non son droit de retrait, à un membre du CHSCT, celui-ci en avise immédiatement l’employeur et consigne cet avis sur un registre spécifique. L’employeur ou son représentant est tenu de procéder sur le champ à une enquête avec le membre du CHSCT qui a signalé le danger et de prendre les dispositions nécessaires pour y remédier.  A cette occasion le CHSCT peut demander le recours à un expert.


[1] Article R2323-28 : Lorsque plusieurs entreprises possèdent ou envisagent de créer certaines institutions sociales communes, les comités d'entreprise intéressés constituent un comité interentreprises investi des mêmes attributions que les comités dans la mesure nécessaire à l'organisation et au fonctionnement de ces institutions communes.
[2] Article R4121-2 : La mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée : 1° Au moins chaque année; 2° Lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l'article L. 4612-8 ; 3° Lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.
[3] Article L4121-2 : L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Éviter les risques ; 2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 1152-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
[4] En France, le document unique (ou Document unique d'évaluation des risques - DU ou DUER) a été créé par le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001. Le décret a adopté la directive européenne sur la prévention de risque professionnel. Il est la transposition, par écrit, de l'évaluation des risques, imposée à tout employeur par le Code du Travail. Ce document est obligatoire pour toutes les entreprises. Son absence, en cas de contrôle de l'inspection du travail, peut être sanctionnée de 1500 euros d'amende. En cas d'accident de travail ou de maladie professionnelle, la responsabilité civile de l’employeur peut être engagée si la faute inexcusable est reconnue. Cela peut entrainer une réparation du préjudice subi (souffrances morales et physiques, esthétiques...). Le document unique permet d’hiérarchiser les risques pouvant nuire à la sécurité des salariés et de préconiser des actions pour les réduire ou supprimer. Ce document doit faire l'objet de réévaluations régulières (au moins une fois par an), et à chaque fois qu'une unité de travail a été modifiée. L'atteinte portée à la rédaction et la constitution de ce document peut engager le dirigeant à payer une contravention de la cinquième classe, d’après article R 4741-1 du code du travail qui stipule que e fait de ne pas transcrire ou de ne pas mettre à jour les résultats de l'évaluation des risques, dans les conditions prévues aux articles R. 4121-1 et R. 4121-2, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe. La récidive est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15 du code pénal. Mais le document unique n'est que la partie visible de l'iceberg. En effet, ce n'est pas seulement un document obligatoire mais une gestion nécessaire de la prévention des risques pour éviter des surcoûts pour la sécurité sociale et l'entrepreneur. L’intérêt du document unique est de permettre de définir un programme d’actions de prévention découlant directement des analyses et évaluations qui auront été effectuées. L’objectif principal est de réduire les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[5] Article L4612-1 : Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission : 1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure ; 2° De contribuer à l'amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l'accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité ; 3° De veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières.
[6] Le droit de retrait est le droit pour le salarié de se retirer d'une situation de travail présentant un « danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». À la différence des procédures d'alerte, attachées à certaines institutions représentatives, le droit de retrait est un droit individuel mais qui peut s'exercer collectivement. Il est fondé sur l'article L4131-1 du Code du travail pour les salariés et sur l'article 5-6 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 pour les fonctionnaires.
Article L4131-1 : le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d'une telle situation. L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.